"Musulman mon frère"

Par Mgr Jacques Noyer, Evêque d'Amiens

Vendredi, a commencé le ramadan, et tu es entré dans ce temps de recueillement, de pénitence et de prière qui est au cœur de la foi. Publiquement et communautairement, tu rends Dieu visible à notre société si peu attentive à sa présence!

Pour cela, comme chrétien, comme évêque et tout simplement comme homme, je tiens à te dire merci. Quand je te voit prier, quand je te vois jeûner, j'entends ton invitation à refuser les idoles de notre temps: l'argent, la violence et le plaisir veulent régir le monde, et tu rappelles que seul Dieu doit être adoré. Tu n'ignores pas pourtant que beaucoup de nos contemporains se détournent de Dieu. Ils nous reprochent de cacher derrière le visage sacré de Dieu nos ambitions dominatrices ou nos passions belliqueuses. Les jeunes ne voient en Dieu qu'un archaïsme démodé, une source de guerre et, la justification des crimes les plus atroces. Dans notre histoire, plus d'une fois les hommes se sont servis de Dieu plus qu'ils ne l'ont servi! Ton visage nous est familier, mêlé à notre vie quotidienne. Il est celui de notre voisin.

Nous retrouvons ton visage de poussière dans tous les déserts où l'on meurt et les steppes où l'on tue. Moudjahidin ou taliban, martyr ou kamikaze, afghan ou kosovar, émir du pétrole ou palestinien sans terre, artiste à la mode où émigré illégal; dans toutes les tenues tu es mon frère. Souvent tu me surprends, tu me déroutes, tu me scandalises. J'essaye de te comprendre.

Je ne saurais être ton complice. Ensemble, nous sommes responsables du visage de Dieu dans ce monde. Il est grand et il est miséricordieux! il est notre Dieu et il est le Dieu de tous! Il veut la Justice mais non notre justice ! Il n'est pas le nom de la fatalité quand il nous veut responsables !

Si je dis qu'il veut la paix, le respect, la solidarité et l'amour, vas-tu me reprocher d'être chrétien ? Sache en tout cas que Jésus m'invite à admirer ta foi et à te dire mon frère. Quand tu brûles mes églises et me rejettes parmi les infidèles, es-tu certain de servir Dieu?

Je dois t'avouer pourtant quelque chose : j'appelle aussi l'athée, mon frère. Je trouve parfois chez lui, même s'il le refuse, un goût de la liberté et une capacité d'amour qui me font penser que nous sommes aussi fils d'un même Père!

Que ce ramadan soit pour le monde une raison d'espérer!

Journal du Dimanche du 18 novembre 2001

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